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Les zones-tampon, un lien houleux entre agriculture et nature

Dernière mise à jour : 17 avr.

Dès les premières réflexions menées entre 1990 et 1994 sur le thème des zones-tampon, les conflits potentiels entre Nature et Agriculture sont apparus.

Cette confrontation de point de vue est directement liée à l’histoire humaine de l’exploitation des marais, aux efforts consentis par les propriétaires pour extraire cette tourbe, aplanir les sols, les assécher et gagner ainsi de nouvelles terres favorables pour la production fourragère et laitière.


Contrairement aux marais préalpins, voire aux tourbières franc-montagnardes ou vaudoises, les marais neuchâtelois ont perdu la quasi-totalité des transitions naturelles marquant le passage progressif de la tourbe acide au sol jurassien calcaire.


Partout, l’exploitation de la tourbe a réduit la taille des tourbières originelles, ne laissant que des îlots de tourbe isolés et séparés les uns des autres par des prés de fauches utilisés somme toute assez intensivement par rapport à l’altitude et aux conditions du sols.

A l’exemple de la mosaïque paysagère actuelle de la vallée des Ponts, les contacts entre terrains agricoles et tourbières sont nettes, très souvent rectilignes car marquant la limite entre deux parcelles cadastrales. On passe ainsi, sur 1 mètre à peine, d’une tourbe peu compactée, couverte de myrtilles et callunes, au sol couvert de mousses à une tourbe plus compacte, plus sèche, couverte de graminées fourragères et de quelques légumineuses.

Pour conserver la qualité et la productivité d’une telle prairie de fauche, exploitée sur la tourbe acide originelle, il est indispensable de la drainer, d’y apporter des amendements régulier, voire de la ressemer à intervalle plus ou moins court. Sans cela, la végétation va assez vite se modifier, laissant les espèces du marais, plus concurrentielles, reprendre progressivement leur place.


Si la conservation du marais et de ses espèces particulières peut être comprise et acceptée par les exploitants agricoles, la nécessité de modifier cette bordure agricole productive pour assurer la protection et la conservation du biotope marécageux n’est pas simple à expliquer et à faire admettre.


La situation topographique des marais au sein de nos vallées tourbeuses indique que les tourbières mouillées sont plus hautes que les terres agricoles voisines et que les eaux s’écoulent du marais vers sa périphérie. On peut dès lors admettre que les réseaux de drains, installés jusqu’au bord voire dans le marais lui-même, ne se limitent pas à évacuer l’eau excédentaire mais provoquent un assèchement direct et problématique de la tourbière. Dès lors, éloigner les drains de la périphérie des tourbières peut se justifier.


Mais comment expliquer que les amendements puissent influencer la végétation du marais et la modifier négativement ?



Pourquoi sacrifier une bande agricole de 15 mètres pour reconstituer du marais alors que des mesures sont possibles à l’intérieur même du biotope marécageux pour le revitaliser ?

L’officialisation légale du plan avec la position précise des limites de chaque zone ne garantit pas l’efficacité de la protection. Encore faut-il la concrétiser par des actions, des travaux et de nouvelles pratiques respectueuses des règles établies et imposées.

Alors que l’État évaluait les travaux et les coûts nécessaires pour adapter les réseaux de drains à la bordure de chaque tourbière, des échanges directs entre agriculteurs, autorités, experts et ONG se sont développés, permettant la signature des premiers contrats agricoles.

Moyennant dédommagements financiers garantis par l’État les paysans ont progressivement modifié leurs pratiques en abandonnant la fumure et les engrais chimiques et en retardant la date de la fauche. Bien que débutée en 2002 déjà, cette adaptation des modalités agricoles n’est pas encore concrétisée partout, à l’instar de la situation dans la vallée des Ponts-de-Martel.


Face à la complexité des travaux concernant la très forte imbrication des réseaux de drainage, il est vite apparu que l’éloignement des drains à 15 mètres des marais nécessitait d’adapter très souvent la totalité du réseau. De tels travaux touchent donc des propriétaires externes aux zones-tampon.


Si un contrat agricole présente en caractère évolutif et adaptable rapidement selon les changements, il n’en est pas de même pour les conséquence liées à l’élimination des drains et collecteurs enterrés.


A fin 2023, la fonction hydrique manque pour la très grande majorité des zones-tampon neuchâteloises.


L’arrêt du Tribunal fédéral et le règlement du PAC Marais permettent aux autorités de prendre des mesures contraignantes et de les rendre obligatoires. La situation politique souhaite privilégier les échanges de propriété, pour offrir aux agriculteurs des surfaces en dehors des zones-tampon, celles-ci étant attribuées soit à l’État, soit à Pro Natura. Les travaux sur les drains sont possibles une fois ces échanges réalisés.


Cette démarche positive reste néanmoins très longue à concrétiser. Mener à bien les échanges nécessite de pouvoir acquérir des terrains, ce qui n’est ni simple ni rapide. Organiser des échanges équitables et les lier aux travaux sur le drainage impose des démarches collectives, également très chronophage, comme des syndicats AF.


Une longue saga cantonale autour des zones-tampon. 



Point de vue de Yvan Matthey responsable du bureau Ecoconseil

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